« J’ai mal au ventre. Je ne peux pas aller à l’école » signifie plutôt : j’angoisse pour le contrôle, j’ai peur de retrouver mes copains, je n’ai pas envie de me séparer de toi », etc… Les enfants somatisent parce qu’ils n’ont pas les mots pour dire leur ressenti.
Allons faire un petit tour du côté de l’inconscient… La psycho-somatisation pourrait être associée au stade du miroir, une étape importante dans la genèse psychique au décours des processus primaires et une avancée vers le processus de différenciation. L’expérience du miroir révèle à l’enfant son visage. Il se reconnait différent de sa mère. Il jubile car il peut faire bouger son image. Mais il déchante car il ne peut ni faire parler sa mère, ni faire bouger son image. C’est la période où il doit apprendre à distinguer entre ce qui est possible et ce qui est impossible -ce qui ne dépend pas de la volonté de ses parents- et à mettre des mots sur ce qu’il ressent ses sensations, émotions, sentiments. La maladie psychosomatique serait une sorte d’amour pour soi-même d’être à la fois maman et enfant.
Quand cette étape est mal intégrée, les personnes souffrent dans leur corps, ce qui raconte les souffrances psychiques, angoisse et/ou dépressions, dont elles n’ont pas conscience, ce que leur tête ne veut pas, ou ne sait pas voir. Elles viennent pourtant chez le psychologue, souvent à l’incitation de leur médecin ou de leur entourage car elles pressentent au plus profond d’elles-mêmes que c’est plus ou moins organique.
En thérapie, je vais reprendre l’histoire subjective de mon patient et travailler avec lui pour déchiffrer la fonction et le sens de son symptôme. Ce qui n’a pas pu être élaboré psychiquement devra être mis en mots. De quelle angoisse ou de quelle déprime s’agit-il ? Un déménagement, une nouvelle naissance, la perte d’un proche, des situations en écho à des expériences inquiétantes douloureuses ou traumatisantes dans leur enfance peuvent déclarer des somatisations importantes à l’âge adulte.
Il est souvent difficile de créer un lien avec ces personnalités narcissiques, centrées sur elles-mêmes. Elles se sentent incomprises et en difficulté pour amorcer un transfert positif. Déçues quand je ne leur donne pas de réponse immédiate à leur question « que dois-je faire ? » une première approche pragmatique pourra les rassurer et leur donner confiance pour instaurer une suffisamment bonne alliance thérapeutique.
Je me souviens d’une patiente venue me consulter, incapable de s’occuper de son mari et de ses enfants, à cause de ses maux de tête persistants qui la clouaient au lit plusieurs jours à la suite. Elle avait consulté plusieurs médecins pendant une longue période, mais aucun médicament ne faisait de l’effet. Au bout de quelques séances au cours desquelles elle ne sait que se plaindre, je lui demande :
- y a-t-il des moments dans la semaine vous n’avez pas mal à la tête ?
- quand je joue au golf (…)
- ah bon … que se passe-t-il ? racontez-moi une journée de golf ( …)
- j’ai rendez-vous avec mon amant (…)
Et quelque temps plus tard, je lui propose :
- est-ce que vous pouvez avoir mal à la tête un jour sur deux ?
En quelques semaines ses maux de tête s’espacent … Elle savait décider inconsciemment de son mal-être et de son bien-être. Mon but était de l’aider à se prendre en charge elle-même en ritualisant ses maux de tête et ainsi à les contrôler. Au décours du suivi, elle a su mettre des mots sur ses maux pour définir et élaborer son mal-être intérieur (désirs contradictoires, conflit de loyauté, culpabilité, etc…) et l’accepter comme une clé de vie, qui va adoucir le symptôme, voire l’éradiquer, et lui apporter soulagement et légèreté.
Cécile Planche, Lyon, le 3 mai 2017 d’après l’interview du daily.psy